Alpha avait erré pendant des nombreuses minutes dans les couloirs du pensionnat, un peu perdue dans ces grands couloirs blancs qui se ressemblaient tous. N'y aurait-il pas eu des affiches sur les portes, elle aurait pu croire qu'un génie maléfique s'amusait à la faire tourner en rond...
La plante de ses pieds commençait à se faire douloureusement sentir quand, au détour d'un énième couloir, à ce qui devait le quatrième étage, l'adolescente était tombée sur une grande porte semblable à celles des dortoirs, à l'exception, à environ deux mètres cinquante du sol, d'une plaque noire où s'étalait en lettres dorées un mot béni dans le vocabulaire d'Alpha : "Bibliothèque"
Ni une, ni deux, d'un pas léger, sa chevelure rouge volant derrière elle, Alpha avait parcouru la distance la séparant de ce qui allait être son refuge pour les mois à venir. Elle avait dû forcer sur ses bras pour pousser un battant de la lourde porte - son mètre soixante allait-il la poursuivre éternellement ?
Heureusement, le spectacle était à la hauteur de ses attentes, et sous ses prunelles brunes s'étendaient maintenant des rayonnages aux couvertures de tailles et couleurs variées.
Elle eut un mouvement de recul en constatant qu'autour de la grande table, disposée avant les étagères, étaient assis ce qui semblait être une classe et son enseignant. Tous la regardèrent avec une surprise non dissimulée et Alpha se sentit aussitôt agressée par leurs regards ouverts et pas franchement amicaux.
*Pour changer* songea-t-elle avec une pointe d'amertume...
Mais rien ne parut sur son visage de fée ; l'envie de froncer son petit nez pour marquer son dégoût la démangeait, cependant elle se doutait que si elle voulait avoir la paix pour le reste de l'année, mieux valait s'abstenir de se faire des ennemis...
Alors elle passa avec une feinte indifférence devant le groupe ; tous les élèves avaient levé les yeux de leurs livres et elle sentait le poids de leurs regards sur son dos. Accélérant le pas pour disparaître dans les rayonnages, Alpha entendit leur professeur les rappeler à l'ordre et s'énerver contre ceux qui ne s'intéressaient pas aux ouvrages. Mais bientôt, leurs voix ne furent plus qu'un murmure sourd, au fur et à mesure qu'Alpha progressait dans ce qui devait être la plus vaste bibliothèque du pays...
Elle regardait les plaques accorchées aux étagères : Psychologie, Fantasy, Romance, Documentaire...
La fille de Suna finit par porter son choix sur un ouvrage du Pr Pommereau, célèbre psychiatre spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire, et "Rebelles", roman parlant des intrigues de la haute société new-yorkaise au 19ème siècle...
PLongée dans les deux livres, passionnants chacun dans leur genre, elle ne prêta pas attention aux classes qui se succédaient, oubliant même l'heure du déjeuner. Ce fut le silence inhabituel qui la sortit de sa lecture - elle avait attaqué un troisième roman, une décevante histoire à l'eau de rose - et un coup d'oeil à sa montre lui montra qu'il était 17 heures passées.
Reposant le livre à sa place, Alpha sortit de la bibliothèque. Elle devait retourner dans son dortoir...