Visite du pensionnat, bruits étranges dans un dortoir.

Alpha sortit du dortoir, marchant de sa démarche légère, les cheveux rouges volant au rythme de ses pas. Le couloir, d'un blanc immaculé, s'étendait sur au moins une centaine de mètres et semblait abriter les portes de tous les dortoirs : à droite, féminins, à gauche, masculins. Celles-ci se ressemblaient toutes avec leurs somptueuses arabesques sombres, que la jeune fille ne pouvait s'empêcher d'admirer en silence.
Des poubelles bleues étaient réparties tous les dix mètres environ ; Alpha se décala sur la gauche, sortit la feuille des enseignants et la jeta sans plus de cérémonie. Son exceptionnelle mémoire l'aiderait à se souvenir des noms des professeurs, elle n'en doutait pas.
Des sons étranges attirèrent son attention. Elle s'arrêta, les bras le long du corps, et plaqua un côté de son visage fin contre le mur. Des sortes de... gémissements s'échappaient d'un des dortoirs masculins. Des élèves séchant les cours ? A moins qu'un trou dans leur emploi du temps ne leur permettent de s'offrir des... divertissements.

Alpha éprouvait à l'égard des couples, hétérosexuels ou homosexuels, la même indifférence. Que les deux - voire plus - élèves produisant ces bruits suspects sont des sexes différents ou uniquement masculins, elle s'en fichait.

Un étrange sentiment serrait pourtant sa poitrine. Une étrange nostalgie, la nostalgie d'un sentiment qu'elle n'avait ourtant jamais éprouvé. Etait-ce les sons à travers le mur qui éveillaient cette drôle d'envie ? L'envie d'aimer et d'être aimée d'autres personnes que ses parents torturait parfois Alpha...

Machinalement, l'adolescente donna un coup d'épaule pour s'écarter du mur blanc et bloqua ses pensées. Seules quelques phrases avaient l'autorisation de passer ce filet aux mailles serrées :
*Les sentiments comme celui-là sont une faiblesse.*
*Tu n'es pas faite pour un amour de ce genre.*
*Tes parents t'aiment, tu n'as pas le droit de réclamer plus.*
*Cesse donc d'avoir ces impulsions stupides !*

*Il faut visiter ce pensionnat. Va visiter le pensionnat. Vas-y tout de suite. Et oublie ces voix.*

Une dernière pensée pour les personnes du dortoir...

"Qu'ils soient heureux ensemble."

Une fois n'est pas coutume, Alpha avait parlé à voix haute. Un air égaré se peignit sur ses traits de fée, ses iris marrons errant sur les murs du couloir. Elle se perdait dans les envies étranges d'amour qui la prenaient comme maintenant. Etait-elle anormale pour éprouver de telles implulsions ?

Silencieuse, Alpha reprit sa marche. Le son de ses ballerines noires presque inaudibles...

Alpha était comme ça : elle pensait, n'éprouvait pas, et ne laissait pas de traces.